2021
Kevin Lewis O’Neill
Un anthropologue étudie l’exil d’agresseurs sexuels du clergé en Amérique centrale

2021
Un anthropologue étudie l’exil d’agresseurs sexuels du clergé en Amérique centrale
Les travaux de recherche de Kevin Lewis O’Neill sur les abus sexuels commis par des membres du clergé de l’Église catholique romaine, particulièrement sur le transfert de prêtres agresseurs nord-américains en Amérique centrale pour leur permettre d’éviter des poursuites, verront bientôt le jour sous forme de livre grâce à une bourse Guggenheim.
« J’y raconte comment l’Église a tenté pendant 40 ans d’échapper à ses responsabilités », explique M. O’Neill, professeur de théologie à la University of Toronto.
« C’est un travail de recherche difficile pour plusieurs raisons, confie-t-il. Les observations sont limitées par le type de poursuites possibles en Amérique du Nord. Il n’y a pas vraiment de tribunal international qui peut intervenir, et il est plus facile de recueillir des preuves d’abus et d’intenter des poursuites aux États-Unis et au Canada. »
Il ajoute que faire des travaux sur le sujet peut être démoralisant : « C’est extrêmement dur. Je passe beaucoup de temps à échanger avec les survivants des violences sexuelles commises par des membres du clergé… c’est éprouvant. Et il y a aussi la complexité de bien comprendre à quel point l’Église se protège non seulement d’un point de vue juridique, mais aussi dans l’oeil du public.
Ce qui m’anime, par contre, c’est l’idée que mes travaux puissent créer un précédent, et que les victimes de violences sexuelles commises par des prêtres américains en Amérique centrale puissent réclamer une part des réparations conclues aux États-Unis. Je suis très motivé à l’idée qu’une justice transnationale soit instaurée en ce qui a trait aux abus sexuels commis par des membres du clergé. »
Les travaux de M. O’Neill sur le sujet sont presque terminés. Ils s’orchestrent surtout autour de la relocalisation de prêtres de quelques diocèses du Minnesota au Guatemala. Ils portent également sur un centre de thérapie sexuelle dirigé par l’Église et situé au Nouveau-Mexique, où plusieurs prêtres ont été envoyés.
« Je fais aussi des recherches au Vatican, ajoute-t-il. J’y suis allé plusieurs fois. »
Lorsque le Vatican a voulu transférer des prêtres des États- Unis en Amérique latine pour combler le manque à l’époque, il a fallu se demander qui envoyer. « La prise de décision était parfois facilitée lorsque des soupçons pesaient sur un membre du clergé ou qu’il semblait poser problème », explique M. O’Neill. À partir du XXe siècle, le Guatemala est donc devenu un dépotoir à prédateurs du clergé. »
Grâce à la bourse Guggenheim, M. O’Neill pourra se consacrer à la publication d’un livre au sujet de ses travaux de recherche.
Il affirme qu’obtenir la bourse est « un signe d’encouragement qui confirme la direction de mon travail et me motive à être encore plus ambitieux. »